L’Orchestre symphonique de Seattle. Le Royal Philharmonic de Liverpool. Celui de Stockholm. Le Philharmonique de Londres. L’Orchestre national de Washington. Ceux de São Paulo et Philadelphie… Ce ne sont là que quelques exemples des phalanges que la chef et contralto française Nathalie Stutzmann a été invitée à diriger, ces dernières saisons. Si la liste donne le tournis ce n’est rien à côté de ses engagements présents et futurs.
En résidence auprès de l’Orchestre philharmonique de Rotterdam pour 2018-2019, elle prendra en septembre ses fonctions de chef principale de l’Orchestre symphonique de Kristiansand, en Norvège. Poursuit son mandat de première chef invitée à la Radio de Dublin. Son ensemble, Orfeo 55, est toujours résident à l’Opéra de Montpellier. 2019 devrait la voir diriger La Dame de pique de Tchaïkovski, à La Monnaie de Bruxelles. Et il se pourrait que certaines grandes maisons d’opéra, outre-Atlantique, ne tardent à lui ouvrir leurs portes.
Pour l’heure, c’est un autre défi qui l’attend: diriger la première production lyrique des Chorégies 2018 : Mefistofele de Boito. Première fois qu’elle dirigera à Orange. Première femme tout court, d’ailleurs, à diriger au Théâtre antique. Première fois aussi qu’elle empoignera le pupitre de l’Orchestre philharmonique de Radio France.
Qui plus est dans un titre aussi méconnu du grand public. “Il m’aurait été plus facile de diriger Tannhäuser, que j’ai déjà fait, concède-t-elle. Mais je crois que je suis une femme de défi. Et en dépit de toutes les difficultés qu’il peut poser en termes de gestion de l’acoustique, ce lieu m’inspire. Cette oeuvre aussi. L’opéra italien le plus proche de Wagner. Il y a dans cette fresque métaphysique, qui est plus une succession de tableaux qu’un opéra, tout ce que l’on attend à Orange: de grands airs, des bandas en coulisse, des duos et des choeurs magnifiques. J’ai toujours été à l’aise avec les grosses productions.”
Elle le sait, la tâche ne sera pas aisée. Elle s’en réjouirait presque : “J’ai rarement vu un opéra avec autant de changements de tempi et de caractères”, semble-t-elle s’émerveiller. Elle mettra bien sûr son expérience de contralto à profit pour soutenir les solistes. “Ce sont des rôles lourds, qui demandent des tessitures très belles et très larges. J’ai la chance d’avoir face à moi une distribution de haut vol.”
Outre Erwin Schrott dans le rôle-titre, elle retrouvera en effet Jean-François Borras en Faust, Béatrice Uria-Monzon en Margherita et Marie-Ange Todorovitch en Marta. Elle pourra également compter sur sa propre connaissance du lieu et de son acoustique, qu’elle a déjà pratiquée en tant que chanteuse. Ainsi que sur le soutien indéfectible de Jean-Louis Grinda. “Il a été le premier à me faire confiance pour diriger un opéra à Monte-Carlo. Le fait qu’il soit en plus à la mise en scène a été un argument supplémentaire, s’il en fallait !”
Le public, lui, pourra s’en remettre à la fraîcheur de sa lecture. Plus qu’une aspiration, une philosophie : “Une femme de 95 ans m’a dit un jour: “Le plus important dans ma vie est de pouvoir encore me dire que c’est la première fois.” J’y repense chaque fois que j’entre en scène”, confie l’artiste. Avec la voix et l’humanité profondes qui la caractérisent si bien.
Thierry Hillériteau